Saturday, 18 August 2012
AMBIANCE TAXIBE
Il faut bien rentrer, mais si j'avais le choix, je préfèrerais me rendre à pied. D'abord ça use les souliers, bien que bon pour la santé, ce qui est tout à fait relatif, vu le degré de pollution de la ville. Mais surtout, prendre le transport en commun est loin d'être une partie de plaisir. Cela amuse deux ou trois fois, mais en faire un moyen de locomotion permanent, autant ne pas trop y penser !
Chez nous, on ne les appelle pas "bus", ils sont plus petits. Les plus classiques sont des mini cars, type Mazda E2200. Récemment, une vague de Mercedes Sprinter est arrivée. Ils sont appelés taxi bé, ce qui veut dire littéralement "grand taxi". Le constructeur a conçu pour 15 places, mais l'intelligence malgache réussit à y faire rentrer 28 personnes.
Du primus au terminus, il y a 6 km à faire en un temps record de deux heures : arrêts partout, bouchons aidant. C'est du spectacle riche en couleur qui vous est copieusement servi.
Il y a le chauffeur qui se charge de l'achat des journaux : ceux qui sont spécialisés en faits divers et insolites, rédigés dans notre langue. Ces journaux sont à la disposition de tous les passagers, il suffit de savoir les prendre là où ils sont. Le chauffeur est également le DJ de service, il a le veto sur ce que l'on écoute dans la voiture, notamment la chaîne, le playlist, le volume. Il est d'ailleurs bien inscrit sur la façade de l'autoradio "juste regarde, pas touche". Dans cette bagnole, ce n'est pas les petits messages qui manquent. Sur le rétroviseur, on peut lire "ne fais pas semblant de m'ignorer si tu me suis des yeux". Tant pis pour celles dont le regard se croise avec celui du chauffeur dans ce rétroviseur!
Les versets bibliques sur autocollants égayent l'intérieur morose du minicar.
La plupart de ces taxi bé ne sont pas conçus pour le transport de personnes. Ils ont subi des séries de transformations et chaque banquette supporte quatre ou cinq adultes au lieu de trois. Chaque adulte peut être avec deux ou trois gosses, souvent morveux, et des bagages pas très commodes. Il n'y a pas plus de supplice que d'être assis à côté de ces gens très encombrés et encombrants, et pire si vous êtes à cheval sur une banquette et un semblant de strapontin. Souvent, il s'agit d'une petite pièce de planche baladeuse appelée "bois de rose".
Le tableau est complet si un de ces mômes a le mal du transport et se met à rendre tout le contenu de son gosier. Si la mère a la moindre éducation, elle balbutiera un petit azafady et c'est tout. Que voulez-vous, on a affaire à des êtres humains!
Devant, il y a un adolescent, les deux oreilles bouchées par deux écouteurs. Par moments, il se met à chanter à très haute voix dans des fausses notes pas possibles, et suit le rythme de sa musique en bougeant les jambes, en tapotant sur son classeur.
A ses côtés, un quinquagénaire, apparemment fonctionnaire, déploie ses journaux, hoche la tête, sourit parfois, puis dans l'embouteillage, remplit les grilles des mots croisés et fléchés et mêlés, joue aux jeux de 7 erreurs. Derrière lui, une dame lorgne sur les autres pages et commente les avis de décès. Tellement il y a des gens qui se précipitent sur ces pages nécro quand ils trouvent un journal.
Près d'une fenêtre, la seule que l'on peut ouvrir (et fermer), une autre dame fait sa sieste. Au début, elle arrive à se ressaisir et se redresse de temps en temps.Mais après, elle a posé carrément sa tête sur l'épaule de son voisin : un monsieur qui mâchonne ses amuse-bouche, tout en éparpillant les déchets dans toute la voiture, et la petite communauté du trajet subit la forte odeur de cacahuètes sous une chaleur torride, en manque d'aération.
Juste derrière le chauffeur, il y a une banquette de fortune appelée "siège d'or". D'habitude, c'est la place des gosses ou des gros paquets, mais il y a aussi les adultes de petite taille qui acceptent de s'asseoir dessus. On est alors dos-à-dos avec le chauffeur, et face à tout le reste. Il faut des techniques spéciales pour avoir le minimum de confort dans cette position. Une jeune fille est alors assise sans complexe sur le siège d'or,le plus naturellement du monde. Une fois bien installée, les jambes entrecroisées avec celles du vis-à-vis, elle sort son sandwich de son sac. Trois quarts de baguette de pain, avec de la salade composée dedans. C'est-à-dire, des carottes en julienne,des pommes en purée, des tranches de concombre, des pâtes, et tout ce que vous pouvez imaginer pour faire une salade réellement composée. Le tout, emballé dans un cabas en plastique noir qui fait tellement de bruit que toute l'assistance est avisée qu'il se passe quelque chose derrière le chauffeur. Sans broncher, la fille se met à prendre son repas, ignorant tout ce qui l'entoure. Puis, elle secoue son sac et le cabas noir pour se débarrasser des miettes. Puis, elle prend son petit miroir et refait sa toilette, en public, toujours.
La vie dans le taxi bé est ponctuée par la voix du goal, une voix très spéciale. Le goal, c'est le gars qui aide le chauffeur, qui crie à chaque arrêt,qui réclame les frais, qui gère les places, qui omet volontairement ou non les monnaies à rendre ...
Géneralement, le goal est un homme de très petite taille, d'une certaine souplesse pour pouvoir être debout dans le car, pour pouvoir se courber à 90°. Généralement, c'est quelqu'un qui ne connaît pas les règles élémentaires de politesse, d'hygiène, trahi par une forte odeur d'aisselle au moindre mouvement.
Voilà en gros l'ambiance dans un transport en commun. C'est drôle,mais il faut faire avec.
17:00 Posted by Rondro H RAKOTOBE | Tags: taxibé | Comments (0) | Facebook | | |
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