SOUVENIRS DE VOYAGE

Un proverbe dit qu’il ne faut pas passer devant le village où se trouvent des amis, sans dire bonjour.

Maman, hier, je suis passée dans ta cour mais je savais que tu faisais ta sieste et je ne me suis pas annoncée. J’ai apporté quelques plants de pervenche que j’ai plantés en bordure, et je suis partie. Le soir, la pluie est venue les arroser.

J’ai beaucoup de choses à te raconter.

Il me faudrait peut-être tenir un journal ? Non. Tu sais, j’ai conservé longtemps la petite feuille de cahier où tu as griffonné quelques notes, que tu as furtivement glissée dans ma poche quand je suis passée te rendre visite, un jour. Je l’ai précieusement gardée, et quand je l’ai revue, quelques mois plus tard, je n’avais pas le courage de la relire. Mais je savais ce qui a été écrit dedans. Et je l’ai brûlée, dans l’espoir que la fumée emporte avec elle tous les mauvais souvenirs. Mais ce n’est pas le cas. La galère continue, ayant seulement pris d’autres formes. Les bourreaux se suivent et se ressemblent dans leur manière de porter les masques. Ne t’en fais pas, personne ne verra les couleurs de mes larmes. Personne n’entendra la profondeur de mes soupirs. Tout le monde ne verra que mon sourire : mon masque à moi. According to your recommendation !

Maman, je laisse le passé là où l’on s’est quittées. A présent, je pense au voyage que nous allons faire ensemble. Je n’ai pas à m’occuper d’un visa comme je l’ai fait maintes fois pour les autres. Notre pays de destination ne l’exige pas. Il n’y a pas de souci d’hébergement, pratiquement aucune réservation à faire pour quoi que ce soit. On ne s’ennuiera pas. On ne prendra pas certes de photos : on les publiera où ? Et en plus, on n’est pas photogéniques du tout et on n’a ni les moyens ni l’intention de maquiller les traces de la vie. Mais on aura des souvenirs, authentiques, à l’instant T.

Si l’une part avant l’autre, l’on sait ce qu’il faudrait ramener en souvenir. Tu m’apporteras des petits gadgets de cuisine, comme d’habitude. On évitera ainsi les problèmes de taille vestimentaire. En bonne mère, tu connais ta fille et tu sais offrir. Tu déniches toujours des objets originaux. Et j’adore ça. Si tu arrives les mains vides, je sais que j’ai ton affection. Et ça me suffit.

Tu es juste à côté, Maman, mais on ne peut pas se voir. Tellement on est très et trop occupées, chacune dans son coin. Mais je pense fort à toi, à nos désaccords et à nos confidences.

Dans l’attente de nous revoir, je passerai de temps en temps, voir pousser les fleurs de ton jardin…