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Tuesday, 23 April 2013

LA VILLE DE MES REVES

Lors de mes vacances et dans les films et reportages télévisés que j’ai vus, j’ai envie de pleurer en pensant à ma ville. Il s’agit de Antananarivo, la Capitale de Madagascar, et ai-je tort d’en faire une référence pour les autres villes du pays ? Fortement convaincue que toutes les belles choses sont parties d’un rêve, j’imagine une autre Antananarivo, comment j’aimerais qu’elle soit, quelles sont les actions à envisager, qui vont s’y mettre. Mais d’abord, voyons brièvement quelles sont les réalités que je rencontre au quotidien.

 

En toute objectivité, et sans complaisance, je trouve que ma ville baigne dans le désordre total. Certes, il y a des réalisations, des nouvelles constructions, des coins d’attractions qui donnent l’impression qu’on progresse, le temps d’oublier un moment que juste à côté, derrière, partout, c’est l’anarchie flagrante.

Le surpeuplement étouffe. Il y a les habitants qui ne cessent d’augmenter de jour en jour. Depuis toujours, la ville attire les gens, y vivre est perçu comme un signe de réussite sociale. Les jeunes rêvent de poursuivre et de terminer leurs études en ville où les écoles sont plus prestigieuses. Les filles aspirent à un mariage avec un citadin. Les travailleurs estiment qu’un boulot en ville est une promotion. Nous pouvons dire que l’attrait de la ville a une explication psychosociale.

D’un côté, l’exode rural ne date pas d’hier. L’insécurité en brousse, aux périphéries ne facilitent pas l’attachement à la vie campagnarde. Ceux qui ont découvert la ville pour une raison ou une autre ne veulent plus s’en détacher. Un docker occasionnel, une fille aide-ménagère, un parent qui a installé son enfant à l’internat, … tout ce monde a pris goût à la ville et cherche à tout prix à y refaire sa vie. Et la population augmente.

Il y a ces habitants, permanents. Mais il y a également les gens qui passent pour des affaires diverses, commerciales, familiales, administratives. La plupart des bureaux se trouvent en ville, les marchandises se vendent mieux en ville, ce qui explique ce surpeuplement qui se  voit surtout le jour, aux heures ouvrables.

 

Quand on parle de population, le logement va avec, et les problèmes d’accès aux infrastructures de base se posent.  Il y a cette forte affluence, la ville ne s’étend pourtant pas en dehors, mais en dedans. Une petite cour, une véranda se transforment très vite en chambre, en une pièce en plus à louer ou pour accueillir un parent qui vient de loin, ou pour le fils qui vient de se marier. C’est aussi l’effet de la tradition du tsimisaramianakavy malagasy. Nous ne parlons plus des bidonvilles et carton villes et plastic villes qui s’adossent à chaque muret ou talus. Evidemment, les mesures sanitaires et d’assainissement ne sont pas respectés, et la Commune n’arrive pas à suivre tout ce qui se passe en matière de construction dans toutes les ruelles. L’eau courante n’arrive pas dans les ménages, les bornes fontaines sont à plusieurs mètres de la maison. Avec le nombre de personnes, les déchets augmentent dans le même sens. Dans les quartiers, les gens ont du mal à se servir des latrines, des poubelles. Dans les rues, ils font de même. Ce qui se passe dans les ménages se voit dans la rue puisque l’habitude est une seconde nature. Les poubelles publiques sont squattées par des fouilleurs. Les toilettes publiques ne suivent pas, le peu qui existe ouvre deux cabines sur six, le gérant n’est pas très sympathique, et puis il faut payer. La plupart des Malgaches ne veulent pas payer, quoi que ce soit. Certains politiciens, par populisme, ne responsabilisent pas le peuple mais l’éduquent à penser que tout doit être gratuit.

 

Ce qui explique le développement du secteur informel. Le plus visible, ce sont les marchands qui occupent plus de la moitié des chaussées. Les marchandises vont de petits articles à 500 ar aux voitures de luxe, en passant par l’or et les pierres précieuses. Sous prétexte d’avoir perdu un emploi à cause de la crise politique, tout le monde se met à ouvrir toute sorte de commerce dans la rue, sans se soucier de payer des impôts. La course poursuite et le jeu à cache-cache avec les agents de la commune deviennent une habitude et un spectacle quotidien qui pimentent la monotonie de la vie. Ce qu’on appelle « Marché » a disparu, et on a du mal à s’orienter et à avoir des repères dans la ville. Pour chercher un article précis, il faut faire le tour de la ville en se faufilant dans la foule et entre les voitures, au risque de se blesser, de se faire agresser, de se faire voler.

 

L’embouteillage est énorme. Partout dans le monde, il y a des bouchons. Mais en cadeau, le code de la route semble être méconnu des usagers. Chacun va dans le sens qu’il veut, s’arrête où il veut et quand il veut. Personne ne pense à la perte économique causée par ces stases, les pickpockets en profitent pour gagner aussi leur pain.

 

La liste risque de s’allonger, ce serait toute une analyse. Et cela fait un cercle vicieux et une vis sans fin. Mais à tout problème, il doit y avoir une solution. Je fais un rêve que l’on peut faire quelque chose. J’y réfléchis, et les réflexions ne sont pas vaines mais porteront leurs fruits un jour ou l’autre. Je rêve que j’ai trouvé la solution, que j’arrive à me faire entendre par tous ceux qui sont concernés.

En somme, il s’agit d’une anarchie, d’une désorganisation qui est surtout due à la non-application de la loi. La Commune Urbaine est là et ne doit pas fléchir. On n’a pas besoin d’avoir une Licence en Droit pour savoir que la rue est faite pour les voitures. La Commune doit agir en sa qualité de technicien et non en tant que politicien. Le politicien a tendance à amadouer le public pour les élections futures. Mais il faut savoir que la plupart de ces gens qui font la pagaille ne sont pas recensés dans la circonscription. Il ne faut pas avoir peur d’une émeute à cause de l’application de la loi. Quand on arrive à appliquer ce qui est écrit, et donc légal et légitime, on ne doit pas avoir peur des révoltes. Au contraire, c’est la demi-mesure qui favorise les contestations. Il faut appliquer la loi aux gens qui construisent ou modifient des maisons, aux automobilistes qui ne respectent pas le code de la route, aux marchands qui occupent les rues et trottoirs car il ne suffit pas de payer le ticket, aux piétons qui salissent les voies publiques, aux sans-abris qui empêchent certains embellissements de la ville. Les Droits de l’Homme s’appliquent autrement, non pas à se plonger dans le laxisme et le laisser-aller.

C’est là-dessus que la Société Civile doit intervenir le plus : éduquer les citoyens. Il ne suffit pas de faire des ateliers et des débats mais l’action doit être concrète en atteignant les gens cibles. La population doit être sensibilisée à respecter et avoir le sens du bien commun. Mais la population ne sera convaincue que si elle participe activement à payer les impôts, à connaître le sens de l’impôt. Il m’arrive de rêver à ce que chaque citoyen ait une carte individuelle justifiant son revenu. Un enfant, par exemple, reçoit de l’argent de poche de la part de son père, et ainsi de suite. Cette carte permettra à chacun d’être fier de ce qu’il fait, et le pousse à faire mieux.

Il faut aussi l’implication du secteur privé. Par exemple, à Antaninarenina, il y a l’association Meva qui regroupe ces boîtes riveraines, qui s’occupe de l’entretien du quartier, notamment les jardins. Et enfin, je rêve d’une ville où il y aura plus de parcs et d’espaces verts, où je pourrai me prélasser tranquillement, sans avoir peur d’être kidnappée ou  violée, sans avoir peur de marcher sur des crottes ou des crachats. A défaut d’un Disneyland, je rêve d’un grand jardin à la malgache, pas forcément copié à quoi que ce soit. Je rêve à la vie nocturne tranquille, où les rues sont animées, éclairées, où les magasins et les bureaux sont ouverts. Comme ça, tout le monde pourra s’organiser pour les courses et les affaires, et cela aidera à désengorger la ville.

Qui va encourager l’exode urbain, et redonner goût à la vie paisible de la campagne ? Qui va rassurer la population qu’on sera désormais tranquille sans avoir peur d’attaques armées. Qui va lui garantir que si on laisse la voiture en périphérie, on le retrouvera indemne le soir et on trouvera le bon bus à la bonne heure pour rejoindre la ville ?

Les réalités sont tristes et lugubres. Si je n’avais pas vu ailleurs, je m’y serais certainement habituée et n’aurais aucun recul pour faire ce petit inventaire. A la base, il y a le surpeuplement diurne qui entraîne une désorganisation au niveau de la circulation, des marchés, du logement, de l’assainissement, du maintien de l’ordre. Il s’agit d’une masse, d’une foule vulnérable qui est facilement manipulable pour se dresser contre toute remise à l’ordre. Et c’est là le plus dur, la Société Civile aura à renforcer l’éducation citoyenne. L’Administration communale aura à être ferme dans l’application de la loi. Le Secteur Privé apportera sa contribution en soutenant les travaux, en finançant les entretiens. Et les Citoyens auront à s’éduquer entre eux pour le Bien Commun.  J’ai fait la liste. Il ne suffit pourtant pas d’énumérer, il faut agir. Tout ce que je peux faire, c’est de partager mon rêve. Un scénario qui cherche réalisateurs pour encadrer les acteurs … et en générique, il sera écrit : La Ville De Mes Rêves.

 

Rado R.RAKOTOMALALA

Avril 2013