LE PRIX A PAYER

Mes parents, plus particulièrement ma mère, m’ont inculqué les notions de base des convenances sociales, pour ne pas l’avoir dans le baba dans les rapports humains. Quitte à jouer l’hypocrite, ce n’est pas grave, si c’est pour l’honneur, la dignité et la sérénité : on y va. De toute façon, on n’est pas mariés. Et même entre époux, on n’a pas épousé la belle-famille. Des « autres », on n’a absolument rien à perdre, sauf l’honneur si l’on se comporte « mal ».

Alors, à ces grands rassemblements auxquels tu ne peux pas te soustraire, tu te trouves dans l’obligation de dire bonjour à tout le monde, avec une figure de circonstance. Tu dois afficher un sourire, même si tu as le cœur gros comme ça. Tu as à faire la bise à ces pestes de filles qui ne te cachent pas leur antipathie. Et il n’y a pas que les rejetons, les parents aussi s’y mettent.

Tu es contraint d’entendre durant des heures les conversations qui ne t’intéressent nullement, et voire y prendre part, faute de mieux. Tout autour, l’on ressasse les mêmes histoires, l’on vanne le moins futé, l’on lance des piques à ton endroit. On te rappelle ce que tu n’as pas. Les plus jeunes te font savoir, comme si tu ne le sais pas, que tu as pris des balais.

Tu attends sagement avec patience la cadence des services des repas, lesquels ne te conviennent guère, ni qualité, ni quantité, ni présentation, ni mode de consommation.

Bref, tu t’ennuies à mort. Mais il faut faire avec. Politesse oblige. Qu’est-ce qu’elle a dit Maman ? Ne pas manifester la moindre moue. Mais c’est dur.

A la sortie, que toi-même tu ne choisis pas à quel moment, tu feras un grand ouf. Tu as pris une petite blessure au cœur et à l’esprit : le fait de s’être contenu, sans avoir pu leur rendre la monnaie de leur pièce. Tu rentres avec un surplus de rancœur et de rancune à ruminer jusqu’à la prochaine édition. Tu rentres avec quelques rides de plus et quelques grammes de moins, tellement tu as vécu un véritable martyre.

Maman, j’ai bien noté tous tes préceptes. Tu as raison. On ne pourra jamais être heureux en dehors du cocon familial, celui où tu es né. Mais il faudrait bien un jour t’envoler et te mélanger avec d’autres créatures qui ne partagent forcément pas tes valeurs. On peut choisir son job, et non ses collègues. On choisit son conjoint, et non sa famille. On choisit ses amis, et non les amis de ces amis. On choisit une situation, et non les vivants qui y seront tes voisins. Et même avec ceux que tu crois avoir choisis, tu pourrais être le dindon de la farce.

Quels que soient tes principes de vie, tu auras presque toujours à faire semblant, par convenance. Et encore une fois, c’est de l’hypocrisie. Hypocrite, tu l’es. Souvent, malgré toi. Du moment que tu as à faire partie de ce groupe de …

C’est le prix à payer.